Une étude du BIT mesure la discrimination à l'embauche dans les entreprises françaises mars 2007
- Près de 4 fois sur 5, un candidat à l'embauche d'origine hexagonale ancienne sera préféré à un candidat d'origine maghrébine ou noire africaine selon une enquête nationale par tests de discrimination conduite en France sous l'égide du Bureau international du Travail (BIT) mandaté par la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère français de l'Emploi et de la Cohésion sociale. Cette étude, intitulée "Les discriminations à raison de 'l'origine' dans les embauches en France" (Note 1) a été rendue publique le 14 mars à Paris.
Le BIT a déjà réalisé des enquêtes par tests de discrimination aux Pays-Bas, en Allemagne, en Espagne, en Belgique et aux Etats-Unis et plus récemment en Suède comme en France. Cette recherche a obtenu des résultats statistiquement significatifs qui permettent de mesurer l'existence ou non d'une discrimination à l'embauche à l'encontre des travailleurs migrants ou d'origine étrangère.
Le test en situation est une technique d'expérimentation, qui procède en situation réelle se basant sur des comportements constatés, plutôt que sur des déclarations subjectives, d'employeurs en recherche de candidats et de postes à pourvoir. Les résultats des tests ne peuvent être influencés par des réponses socialement correctes puisque les employeurs ne sont pas conscients d'être en situation de tests, c'est ce qui a conduit le BIT à retenir cette technique.
Le principe est simple: deux candidats testeurs en tous points similaires (parcours scolaire, formation, expérience professionnelle et lieu de résidence), excepté le patronyme. Les comportements adoptés par les recruteurs au fil des étapes de recrutements sont ensuite scrupuleusement enregistrés.
Les tests du BIT sur la discrimination à l'embauche ont montré l'existence de celle-ci dans l'ensemble des pays couverts par la recherche. Des taux nets globaux de discrimination sont importants: les candidats d'origine étrangère doivent déposer trois ou quatre fois plus de candidatures pour obtenir le même nombre de réponses positives que le candidat d'origine nationale.
Le BIT réalise ce testing pour aider les membres des gouvernements et les partenaires sociaux à approfondir leur connaissance des attitudes discriminantes sur le marché du travail et pour permettre et orienter l'application de solutions efficaces.
En France, le BIT a testé ainsi 2 440 offres d'emploi. Sur chaque site, 350 candidats testeurs (des comédiens formés à l'exercice) ont répondu à des offres d'emploi de basses et moyennes-basses qualifications, dans les secteurs du commerce et de la vente, des hôtels-restaurants, du transport ou du BTP, pour les hommes; du commerce et de la vente, de la santé, des services à la personne, des hôtels- restaurants, de l'accueil et du secrétariat pour les femmes.
Tous Français, les candidats au parcours rigoureusement équivalent se distinguant uniquement par le nom (évoquant soit une "origine hexagonale ancienne": Marion ROCHE, Jérôme ou Emilie MOULIN, soit une "origine maghrébine ou noire africaine": Kader ou Farida LARBI, Kofi ou Binta TRAORÉ) ont engagé la même procédure de candidature pour le même emploi.
Dans ses conclusions, le rapport souligne que près des neuf dixièmes de la discrimination est enregistrée avant même que les employeurs ne se soient donné la peine de recevoir les deux testeurs en entrevue.
Collectivement, les employeurs testés ont très nettement discriminé les candidats minoritaires. Il apparaît que seulement 11 pour cent des employeurs ont respecté tout au long du processus de recrutement une égalité de traitement entre les deux candidat(e)s, en leur proposant un essai ou une embauche, ou en les refusant tou(te)s les deux après les avoir rencontré(e)s. En revanche, 70 pour cent des employeurs ont choisi de favoriser le/la candidat(e) majoritaire, contre 19 pour cent qui ont favorisé le/la candidat(e) minoritaire.
Les testings effectués par la méthodologie du BIT ont eu des impacts significatifs dans certains pays où ils ont été menés. En Belgique par exemple, au milieu des années 90, l'étude du BIT a permis la mise en place de campagnes de lutte contre les discriminations par les trois grandes fédérations syndicales et a également permis l'élaboration par la fédération des employeurs d'un code de pratique pour ses membres. Des mesures administratives antidiscriminatoires ont été adoptées au niveau régional et fédéral. Des formations spécifiques sur la discrimination ont été menées par l'inspection du travail. Les résultats de la recherche ont permis une modification de la législation nationale
Le rapport sur la France sera publié par la suite dans la série des documents de travail de l'OIT Cahiers des migrations internationales, dont le but est de diffuser les résultats des recherches récentes portant sur les tendances mondiales en matière de migration et de chercher à stimuler le dialogue et l'élaboration de politiques de régulation de la migration de main-d'œuvre et d'intégration des travailleurs migrants et issus de l'immigration.
Pour plus d'information, merci de contacter le Département de la communication du BIT, communication@ilo.org, Tél.: +4122/799-7912, ou Laetitia Dard, dard@ilo.org, Tél. :+4122/799-8272. Note 1 - Les Discriminations à raison de "l'origine" dans les embauches en France - Une enquête nationale par tests de discrimination selon la méthode du BIT.
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