12 janv. 2009
|
de la haine et du sang
|
Le bombardement et les actions militaires sur la bande de Gaza par l’armée israélienne remettent sur la table la question : pourquoi palestiniens et israéliens n’arrivent pas à résoudre leur conflit ? Qui est fautif ? Est-ce uniquement le Hamas qui a refusé de renouveler son cessez-le-feu après six mois d’inactivité politique et militaire ? Est-ce Israël qui n’a pas engagé de démarches en faveur d’une négociation durant ces six mois ? Ou y a-t-il aussi des causes plus profondes ?
Le Hamas est sans nul doute responsable des tirs de roquettes. Mais le Hamas n’est pas la totalité de la population palestinienne qui, après trois générations, vit à Gaza, dans la misère. Celle-ci a été récemment accentuée par un blocus supplémentaire pour la punir d’avoir voté pour le Hamas par désespoir. Or, l’ironie comme le relevait Charles Enderlin (Le Monde du 04.02.06), c’est qu’Israël a ouvert la boîte de Pandore en 1982, en donnant le feu vert - et, affirment certains, une contribution matérielle - à la naissance du Hamas en Palestine pour créer un contrepouvoir à l’OLP laïque.
Bien sûr il y a cette constante et terrible insécurité dans les villes du sud, que tout gouvernement se doit de juguler. La question est de savoir si la réaction contre le Hamas à Gaza apparemment « disproportionnée » est expliquée par des objectifs de sécurité ou par les élections à venir en Israël ? Après le revers de l’armée israélienne dans la guerre du Liban, en été 2006, Kadima, le parti du premier ministre Olmert et du ministre des affaires étrangères Livni, a été malmené par l’opposition, depuis. Il semble que les dirigeants de Kadima gardent un œil sur les élections, espérant que leurs actions sur Gaza effaceront les taches de la calamité de 2006.
L’hypothèse d’un cycle électoral de la violence militaire peut aider à comprendre les échecs des initiatives de paix passées. Dans le système parlementaire israélien, fondé sur la représentation proportionnelle, les petits partis radicaux peuvent décider de qui gouverne, fournissant les votes nécessaires pour obtenir une majorité.
Ainsi, depuis les années 1970, les deux plus grands partis, le Likoud et le Parti travailliste, ont dû compter sur les petits partis radicaux (Shass, le Mafdal, Israel Beytenou, etc.) afin de composer des coalitions majoritaires, et ont dû s’assurer de leur soutien au détriment du processus de paix. Des provocations peuvent aussi orienter le processus politique, comme lorsqu’Ariel Sharon s’est servi de son tour armé de l’Esplanade des Mosquées pour déclencher la seconde Intifada, qui a son tour a mené à une radicalisation des positions et a garanti son élection en février 2001. De même, la politique unilatérale de paix initiée par le même Sharon en 2005 qui a mené au retrait des forces israéliennes de Gaza en 2005 est cohérente avec la thèse selon laquelle les cartes sont entre les mains des politiciens en Israël et que ce sont les enjeux politiques, plutôt que la sécurité, qui orientent la plupart des stratégies dans la région. Ce ne serait pas la première fois ni le premier pays dans lequel la violence militaire est utilisée comme un signe de force pour l’électorat (on pense à la Russie à l’égard de la Tchétchénie ou de la Géorgie). Le problème de la paix avec les Palestiniens semble ainsi être devenu un point de négociation principalement dans l’arène politique israélienne, où les partis et les politiciens ont des intérêts électoraux et professionnels.
Directement ou indirectement, le Hamas a participé à ce jeu de politique interne à Israël. Les extrémistes partagent implicitement les mêmes buts, même si cela est pour différentes raisons : saboter le processus « paix contre terre ». Ainsi, au moment où les négociations entre Israël et l’autorité palestinienne de Yasser Arafat ont repris en 1992, le Hamas a initié des actions violentes, d’abord contre des soldats israéliens. Mais après l’assassinat de 29 musulmans en prière par Baruch Goldstein, membre du groupe extrémiste Kach et opposé au processus d’Oslo, en 1994, le Hamas a commencé à attaquer des civils, et en 1995 initia l’horreur des attentats-suicides. Les attentats de Hamas ont sapé l’autorité du Premier ministre travailliste intérimaire, Shimon Peres, qui a alors perdu les élections de 1996 face à Benyamin Netanyahu. Celui-ci va en profiter pour obtenir le soutien de son opinion publique et suspendre ainsi le processus de paix en revenant sur les accords signés par Yitzakh Rabin. Comment alors sortir d’un tel engrenage de la violence politique ?
Les israéliens devraient arrêter l’embargo commercial sur Gaza. Le protectionnisme est une recette pour la pauvreté, qu’il vienne de l’intérieur ou de l’extérieur. Un embargo impose à une population extérieure ce que les protectionnistes veulent lui imposer de l’intérieur. A cet égard, la politique d’Israël envers Gaza - restrictions économiques et checkpoints - étouffe l’activité économique. Lorsque les populations ne s’affairent pas à produire, elles commencent à penser à détruire. L’idéologie est l’ingrédient le plus important de l’extrémisme violent, mais la misère économique, le chômage et le désespoir sont des éléments aussi importants. Le FMI a récemment rappelé qu’au moins 79% des ménages à Gaza vivaient en dessous du seuil de pauvreté. Celle-ci vient de l’absence de liberté économique dans les territoires palestiniens, et particulièrement Gaza. La Banque Mondiale observe qu’Israël, en limitant la liberté de circulation des personnes et des biens, compromet toute chance de sortie de crise pour l’économie palestinienne.
Israël et la Palestine ont le pouvoir de stopper ce cercle vicieux, en reconnaissant le droit à l’existence de l’autre. Le peuple d’Israël et le peuple de Palestine doivent comprendre que le cycle de représailles lancé par les extrémistes et les politiciens est contreproductif et que le seul chemin vers la paix est la négociation. Ce cycle électoral suggère cependant que si la solution politique est indispensable, elle est insuffisante. La paix requiert aussi une composante économique. La levée des obstacles à la libre circulation des biens et des personnes facilitera les négociations de paix car en échangeant des biens plutôt que des roquettes, les ennemis d’aujourd’hui deviendront demain les partenaires de paix. Comme l’écrivait Montesquieu « la paix est un effet naturel du commerce ». |
posted by Fawzi. Benabdallah
lundi, janvier 12, 2009
|
|
|
|
|
|
|
derniers
commentaires |
mesarchives |
mesliens |
|