11 juin 2009
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Hadopi censuré
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Le Conseil constitutionnel a retiré tout pouvoir de sanction à la Haute autorité pour la protection des œuvres et élevé l'accès à Internet au rang de droit fondamental. Christine Albanel annonce qu'elle complètera sa loi. Le Conseil constitutionnel a censuré mercredi le cœur même de la loi Hadopi : la riposte graduée, en considérant que plusieurs éléments fondamentaux étaient contraires à la constitution. Dans son avis, l'un des plus sévères de ces dernières années selon les juristes, le Conseil, saisi par les députés socialistes le 19 mai dernier, explique qu'il a censuré partiellement les articles 5 et 11 de la loi, qui instituaient concrètement la commission de protection des droits, celle qui devait envoyer les mails d'avertissement aux internautes et imposer les coupures d'accès, le coeur de la «riposte graduée» instaurée par le texte. Premier point, capital : pour les Sages, «la liberté de communication et d'expression, énoncée à l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, fait l'objet d'une constante jurisprudence protectrice par le Conseil constitutionnel [|…] Cette liberté implique aujourd'hui, eu égard au développement généralisé d'internet et à son importance pour la participation à la vie démocratique et à l'expression des idées et des opinions, la liberté d'accéder à ces services de communication au public en ligne ». En clair : Internet est un droit fondamental, on ne peut donc pas priver quelqu'un d'accès au web sans qu'une autorité judiciaire, et non administrative comme l'Hadopi, ne l'ordonne. Le conseil l'écrit d'ailleurs clairement : «Le rôle de la Haute autorité (Hadopi) est d'avertir la téléchargeur qu'il a été repéré, mais pas de le sanctionner», cette tâche étant dévolue, si elle doit être effectuée, à un juge. Ironie de l'histoire : c'est exactement la vision qu'avaient proposé les députés européens à plusieurs reprises, notamment au travers de l'amendement Bono. Le ministère de la Culture avait défendu le contraire et estimé que les décisions du parlement européen n'avaient pas de conséquence sur la loi française. La présomption de culpabilité censurée Deuxième point censuré par le conseil : le renversement de la charge de la preuve institué par Hadopi. La loi prévoyait qu'un internaute était présumé avoir téléchargé illégalement dès lors que son adresse IP était repérée par les ayants-droits. C'était à l'internaute de prouver l'inverse. Pour les sages, «en méconnaissance de l'article 9 de la Déclaration de 1789, la loi instituait ainsi, en opérant un renversement de la charge de la preuve, une présomption de culpabilité pouvant conduire à prononcer contre l'abonné des sanctions privatives ou restrictives du droit». Dès lors, le Conseil a globalement « censuré, aux articles 5 et 11 de la loi déférée, toutes les dispositions relatives au pouvoir de sanction de la commission de protection des droits de l'Hadopi». Celle-ci ne pourra donc plus jouer qu'un rôle d'avertissement à l'égard des internautes. Ce sera à un juge issu de l'ordre judiciaire d'ordonner une éventuelle sanction. De fait, le Conseil constitutionnel a tué la loi Hadopi avant même sa mise en œuvre, infligeant à ses concepteurs un camouflet de taille. Il a également, et c'est une décision historique, conféré à Internet le statut de droit fondamental, dont on ne peut priver les citoyens qu'en cas de force majeure. Ce qui devrait influer sur les projets de filtrage du web agités depuis quelques années. En pratique, la loi Création et Internet pourra rentrer en application, mais l'Hadopi se bornera à envoyer des mails d'avertissements aux internautes. La commission de protection des droits pourra transmettre les adresses IP des internautes fautifs à la justice, mais celle-ci devra établir la culpabilité de l'internaute avant de décider une éventuelle sanction. Contacté par lefigaro.fr, le député PS Patrick Bloche s'est dit «très heureux» de cette décision. «Pour les internautes, c'est ce qu'il y avait de mieux. Cette loi est vidée de sa substance». La ministre de la Culture, qui avait expliqué au Talk Orange-Le Figaro qu'elle démissionnerait si la loi ne passait pas, a réagi en affirmant qu'elle comptait «compléter rapidement la loi Création et Internet pour confier au juge le dernier stade de la réponse graduée». Elle devrait déposer avant l'été une loi en ce sens. Mais deux questions se posent : comment prouver qu'un internaute est coupable de téléchargement ? Et surtout, comment trouver, parmi des juges judiciaires déjà surchargés de travail, les effectifs nécessaires à ce nouveau rôle? |
posted by Fawzi. Benabdallah
jeudi, juin 11, 2009
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